Contes du Pays d'Azur, par Edmond Rossi
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La grandeur de l’homme est dans sa décision d’être plus fort que sa condition [Albert Camus]

LA SAGA DES SEIGNEURS GRIMALDI DE BEUIL

la saga des seigneurs grimaldi de beuil

L 'Histoire de la famille des Grimaldi, barons puis comtes de Beuil, est une succession violente d'événements reflétant les ambitions d'une noblesse féodale indisciplinée, en constante difficulté avec leur suzerain, cherchant sans répit à accroître leur patrimoine particulier par une suite d'intrigues.
Pour mieux situer Beuil, cœur de leur fief dans le Haut-Pays, rappelons qu'il fallait deux journées minimums le long de pénibles sentiers muletiers pour rejoindre depuis Nice ce village austère perdu au fond des Alpes.
La souche montagnarde des Grimaldi de Beuil prend naissance avec Andaron qui épouse en 1300 Astruge Rostang, fille unique de Guillaumes assassiné pour avoir abusé du droit de cuissage. Avec leur fils Barnabé, démarre la chronique sanglante qui montre bien les mœurs sauvages des montagnards de l'époque. Un certain François Caïs avait acheté la terre de Roure et se dispensa de prêter hommage au baron de Beuil. Barnabé outré par cette désinvolture exigea réparation. Mal lui en prit, Bertrand le fils de François le poignarda pour toute réponse!
Le baron en réchappa et promit de venger l'affront. Assiégeant le château de Roure, Barnabé s'en empara, après avoir fait Bertrand prisonnier il lui fit couper la main droite et crever les deux yeux, le malheureux en mourut en 1353. Une variante romanesque de cette affaire rapporte que Bertrand de Caïs, seigneur de Roure, esquiva la croisade où s'étaient enrôlés les seigneurs des alentours à la suite du comte de Beuil. Profitant de leur absence, il courtisa toute la noblesse en jupons de la région y compris la comtesse de Beuil !
Revenu de Jérusalem, l'époux déshonoré apprit la turpitude de son vassal et organisa dans la foulée une expédition punitive. Il fit subir à son rival le supplice de la roue. Non content de l'avoir écartelé, il lui coupa le sexe, les poignets, transperça son corps de flèches et lui creva les yeux... Son courroux ne s'apaisa que lorsqu'il eut démoli le château de Roure.

Les deux fils de Barnabé, Jean et Louis, vont jouer un rôle actif dans la création du Comté de Nice, cette province sœur de la Provence qui s'étendra du Var à l'Italie et dans l'intérieur vers les sources du Var et de ses affluents la Vésubie et la Tinée. Partisans actifs de la dédition de cette région à la Savoie, ils profiteront de l'éloignement de la cour de Chambéry pour manœuvrer habilement et pratiquer une politique particulariste favorable avant tout à leurs intérêts.
Après son assassinat, la Reine Jeanne avait laissé deux héritiers: Duras et Anjou. Jean Grimaldi était lieutenant et gouverneur de la Provence «entre Siagne et Alpes» pour les Duras (1387). Les Anjou se faisaient reconnaître progressivement par les différentes cités de Provence. Si le haut Comté niçois restait fidèle aux Angevins, la ville elle-même était plutôt acquise aux Duras. Déjà en 1385 pour leur sécurité, les habitants de la haute Ubaye (Jausiers) avaient demandé la suzeraineté du Comte de Savoie installé dans le Piémont. Ce nouvel état en développement, s'étendant de Chambéry à Turin, couvait l'espoir d'un débouché maritime qui romprait son isolement continental, d'où ses ambitions sur la partie niçoise de la Provence divisée par les rivalités des Anjou et des Duras.
Le comte de Savoie, Amédée VII «le rouge», va concrétiser ce projet avec l'aide de Jean de Grimaldi. Tout débute par l'envoi d'une délégation de la ville de Nice auprès des Duras à Gaete pour obtenir des renforts (mars 1388). Impuissant à aider ses partisans, le jeune prince Ladislas leur conseille verbalement de chercher un soutien extérieur pour repousser à tout prix la menace angevine. Fort de cette déclaration, Jean de Grimaldi, depuis son château de Thiery, fait établir une procuration devant notaire, chargeant son frère Louis de contacter le Comte rouge pour l'inciter à venir à Nice.

Les deux frères se voyaient déjà à la tête d'un vaste fief s'étendant de la Siagne aux Alpes après avoir adroitement profité de la querelle des trois prétendants: Savoie, Duras, Anjou. Leurs ambitions se confirment grâce à un acte d'avril 1388, où Ladislas nomme Jean, Sénéchal de Provence, semblant ainsi prendre le parti d'abandonner Nice. Mais les Angevins campent aux portes de la ville à Levens, Aspremont, Falicon, les événements se précipitent. Après plusieurs délibérations du Conseil niçois où Jean chauffe les esprits, son frère effectue plusieurs voyages à Chambéry pour préparer le pacte. Le 1er août les manœuvres des Grimaldi commencent à payer, lorsque le Comte reconnaît à ses «protégés et dévoués serviteurs» la possession de 23 fiefs dans le Val d'Entraunes et la moyenne vallée du Var. Presque aussitôt, Louis, toujours au nom de Jean, signe avec Amédée VII un véritable traité où les frères Grimaldi s'engagent à faire rendre hommage à la maison de Savoie: les vigueries de Nice et Puget, les bailliages de Villeneuve et Barcelonnette et le Val de Lantosque encore favorable aux Angevins. Il ne reste plus qu'à préparer...



Vue mer : crédit photo Aseed