Contes du Pays d'Azur, par Edmond Rossi
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Ne tournez pas la tête : un miracle est derrière. [Norge]

VERAN SAUVE VENCE

veran sauve vence

A l'époque où Euric, après avoir fait poignarder son frère Théodoric, montait sur le trône des Wisigoths, Véran était évêque de Vence.
Bénédictin de Lérins, il avait été élu par le peuple et le clergé qui, d'enthousiasme, connaissant ses hautes vertus, étaient allés le supplier d'accepter la crosse et la mitre.
Il administrait son diocèse avec sagesse et dévouement. Sa sagesse était telle qu'il fut choisi, en qualité d'arbitre, par le pape Léon le Grand, celui-ci l'ayant en très haute et sympathique estime.
Véran était un lettré en même temps qu'un homme d'action. Les crimes de Genséric et d’Attila révoltaient sa conscience et ne manquaient pas de lui causer quelques inquiétudes.

Euric, le roi fratricide, s'était jeté sur l'Espagne multipliant ses crimes et ses sacrilèges. Il avait pris Pampelune, rasé les murailles de Saragosse et anéanti celles de Tarragone, puis, ayant repassé les Pyrénées, accompagné de Genséric, frère d’Attila, auquel il avait fait appel, il avait envahi l'Aquitaine et la Narbonnaise.

Leur avance était formidable; les deux Vandales n'épargnaient rien et ce qui résistait "à leur fer était détruit par le feu ». Derrière eux, ce n'était qu'un désert de cendres...
Ils marchèrent sur Arles facilement réduite, descendirent sur Marseille qui ne put leur résister et poussèrent vers l'Est leurs troupes exaltées par leurs trop faciles conquêtes. Jamais ce pays qui devait être plus tard la belle et souriante Provence n'eut plus à souffrir que du passage de ces deux farouches apôtres de l'arianisme, insensibles devant tout sentiment de pitié, tuant et brûlant pour le plaisir de voir couler le sang et s'élever les flammes.

Toulon subit le sort d'Arles et de Marseille, malgré toute l'énergie de Gratien. Et Léonce ne put empêcher la destruction de Fréjus. Tous deux payèrent leur courageux dévouement de leur vie.

Valère, évêque d'Antibes, étant allé demander aux conquérants grâce et pitié pour les siens, avait eu la tête tranchée des mains même d'Euric qui, après l'avoir dédaigneusement repoussée du pied, ordonna à ses cavaliers de l'écraser sous les sabots de leurs fougueux coursiers.

De Vence, la nuit, à la lueur des flammes dévastatrices, anéantissant tout sur leur passage, on pouvait suivre l'avance victorieuse de l'ennemi. Déjà, il était sous Antibes et menaçait de gagner la vallée haute.
Comment résister à un pareil ouragan ? Il aurait fallu une armée nombreuse, disciplinée et fortement organisée. Elle n'existait pas dans ces régions agricoles et pastorales.
Seuls les "baous", gardiens vigilants et protecteurs, pouvaient offrir un asile à la population, mais qu'adviendrait-il de la vieille cité sauvée jadis par la Vierge Vencia et contre laquelle s'étaient brisés tant de rudes assauts ? Serait-elle, une fois encore, livrée au feu et réduite en poussière ?

Devant le danger, d'heure en heure plus pressant, Véran, qui n'ignorait pourtant pas le sort de Valère, résolut à son tour de se rendre au-devant d'Euric pour le supplier de renoncer à sa trop...



Vue mer : crédit photo Aseed